Confrontation Deleuze / Derrida – Fragments – Groupe Facebook 16/07 au 01/08/2014

Le travail de recherche sur la confrontation Deleuze / Derrida continue à travers le groupe facebook.

De temps à autre, des fragments seront prélevés et importés sur le blog afin de rendre lisible les avancées et de mieux suivre le cheminement de la recherche.

Les noms des intervenants du groupe sont remplacés par des tirets comme dans un dialogue à plusieurs voix sans qu’on distingue les interlocuteurs, c’est-à-dire sans qu’on sache s’il s’agit de différentes personnes qui s’expriment à tour de rôle dans un forum ou alors des voix multiples d’une seule et même personne en dialogue avec elle-même et son (ses) autre(s) (agencement collectif d’énonciation ?).

En revanche, le montage de l’ensemble sur le présent blog dépendra pour le moment d’E. Jabre qui choisira les morceaux en fonction de ce qu’il trouvera le plus intéressant (pulsion de pouvoir ? en son nom propre ? au nom d’un groupe ? en tant que point le plus déterritorialisé ? etc), qui prendra des libertés « fictionnelles » en effectuant des coupes / et des changements dans les textes (qu’on pourra en revanche retrouver sur le groupe facebook dans leur forme originale). Il fera également (et au fur et à mesure) des modification en fonction des retours possibles des participants.

Episode suivant : Pulsion de pouvoir, la question de la psychanalyse dans l’ordre juridico-politique – Fragments – Groupe Facebook 02/08 au 14/08/2014 

——————————————-fragment ————————————–

L’art d’une classe dominante et les codes d’enregistrement

- « la création du manque comme fonction de l’économie de marché, c’est tout l’art d’une classe dominante », AO, chapitre 1, j’aimerais aussi discuter sur cette thèse

- En ce moment, là je croise ça du côté de l « au-delà du principe de plaisir » de Freud et de la pulsion qui précède le principe de plaisir (sans le contredire) qui consiste à lier l’énergie déliée, avant qu’elle ne s « enregistre », (du processus primaire au secondaire ? etc), ce que l’anti-oedipe traduit j’ai l’impression en codes d’enregistrement dans sa vision constructiviste du désir : « synthèse disjonctive d’enregistrement inclusive donc. Par inclusif, il faut entendre une possibilité d’inscription illimitée : les zones d’enregistrement sur la surface du corps sans organes peuvent inclure d’autres zones d’enregistrement, et d’autres encore. Une même intensité d’enregistrement sera soit « homme » soit « chien » soit « table » soit « enfant » soit « dieu » etc. Un usage exclusif (comme nous le verrons dans un paralogisme propre à la psychanalyse que nous développerons, à propos des machines sociales, sur les usages illégitimes des synthèses), assignera à une inscription une place prédéterminée qui sera un choix exclusif entre plusieurs éléments ; en somme, cet usage exclusif enlève la potentialité infinie de l’inscription inclusive où tout, potentiellement, peut s’inscrire. Dans l’Œdipe par exemple, qui est l’exemple paradigmatique de cet usage exclusif des synthèses, la place assignée aux individus sera soit « homme » soit « femme », et c’est tout. Au lieu des n sexes « non humain » dont parlait Marx, l’exclusion consiste à passer à 2 sexes. S’il s’agit toujours, dans le cas de l’usage exclusif des synthèses disjonctives, de puissance d’enregistrement, toute la potentialité pure et infinie qu’elle permet l’inclusion est ici éliminée. » Tiré de http://antioedipe.unblog.fr/…/episode-11-les-syntheses…/ (le lien est un extrait du mémoire (devenu thèse) de S. Nadaud)

-  il y a un très bon lien avec des videos d »‘un colloque a poitiers ayant eu lieu en 2000 quelque chose notamment l’intervention de Zourabichvili est tres tres pertinente http://uptv.univ-poitiers.fr/program/l-anti-oedipe-deleuze-guattari/index.html

- j’avais écouté quelques bouts, et j’avais été intrigué par le débat entre Nadaud et Sibertin-Blanc sur les codes et les néo-codes où Stéphane Nadaud dit que les uns agissent comme les autres, ce que ne peut pas entendre Guillaume Sibertin-BLanc http://uptv.univ-poitiers.fr/…/questions…/index.html Ca résonne avec cette question du simulacre où Deleuze me semble s’empêtrer en parlant de la simulation de l’écriture (en lien au capitalisme), alors que le simulacre (contre le bon modèle) est un de ses concepts (mais qu’il abandonnera…) voir La pharmacie de Platon, un Anti-Œdipe avant l’Anti-Œdipe

——————————————-fragment ————————————–

La capitalisme qui déterritorialise, entre codes et néo-codes

- Point de discussion possible : « le capitalisme comme processus schizophrénique qui deterritorialise tous les codes et comme axiomatique qui reterritorialise en même temps sur oedipe. Une « pratique révolutionnaire » peut-elle passer à côté de cette question de l’économie libidinale, sauf à croire que de simples nouveaux codes peuvent remplacer les anciens. Or la question se serait déplacée avec la psychanalyse, on ne peut plus croire aux fondements des codes quels qu’ils soient (d’où « comment croire au monde »). Comment prendre en considération ce discrédit pour modifier un paysage où les coordonnées resteraient anachroniques par rapport cette « connaissance » ? Faut-il alors peut-être repartir de l’invention de savoir-faire quant à la manière dont les codes fonctionnent, leur création, dissolution, comment du désir et des lignes de fuite s’y imbriquent ? Concept de groupe sujet / groupe assujetti ?

- d’ailleurs on peut se demander si oedipe comme pseudo « neo-code » pour D&G ne fonctionne pas exactement comme un code / Discussion citée précédemment entre S. Nadaud et G. Sibertin-Blanc

- Peut-on éviter la question de l’investissement des codes (oedipiens ou non) pour parler du désir en terme d’agencements (qui font pourtant appel à des codes ?) ? Est-ce que cette reformulation en terme d’agencement permettrait de déplacer cette problématique ? http://antioedipe.unblog.fr/…/episode-2-il-ny-a-pas-de…/ Episode 2, il n’y a pas de finalité du désir. Désirer, c’est construire un agencement

- « [...] L’inconscient machinique exclut toute forme universelle au profit des singularités puisque, définie comme flux et coupures de flux, la machine désirante n’implique aucun codage nécessaire, seulement des rapports possibles et particuliers, relatifs, entre tels flux et tels codes (contre le « naturalisme » de la conception freudienne des codes). [...] : Si l’analyse des machines désirantes implique celle des codages qui lui sont liés, elle vise surtout la détermination des flux que ces codages informent ou « objectivent » et les rapports entre les flux et les codes. Par là, la schizoanalyse se distingue de l’interprétation psychanalytique (ou autre) concentrée sur le code (« découvrir le secret de tel ou tel code ») et ignorant la nature « fluide » du réel au profit d’une représentation « solide » (objets).
L’examen schizoanalytique ne vise pas simplement la compréhension, il est une action : la détermination des codes en tant que tels et des flux sur lesquels ils portent permet la mise en évidence de la relativité de ces codes au profit d’autres possibles et la libération des flux (« défaire les codes pour atteindre à des flux »). En même temps, l’approche schizoanalytique amène à aborder le sujet autrement que comme réalité close et histoire privée : si l’inconscient machinique se comprend selon le rapport flux-coupure-code, la subjectivité qui est l’effet de ce rapport est immédiatement collective puisque l’opération de codage implique l’existence de codes nécessairement sociaux et politiques (cf. le chapitre III de L’anti-Œdipe) [...]« http://blogs.mediapart.fr/…/lanti-oedipe-et-alentours L’anti-Oedipe et alentours

——————————————-fragment ————————————–

Agencements et pulsion de pouvoir : le mouvement d’ex-appropriation ?

- Y aurait-il un impensé chez Deleuze et Guattari dans leur concept d’agencement et leur notion de désir constructiviste ? Pour construire, ne manque-t-il pas aux machines désirantes un processus/ une fonction / un principe qui serait de l’ordre d’une pulsion de pouvoir, d’une ex-appropriation ? : « Il n’y a que du plaisir qui se limite lui-même, de la douleur qui se limite elle-même, avec toutes les différences de forces, d’intensité, de qualité qu’un ensemble, un corpus, un « corps » peut supporter ou « se » donner, se laisser donner. Un « ensemble » étant donné, que nous ne limitons pas ici au « sujet », à l’individu, encore moins au « moi », au conscient ou à l’inconscient, non davantage à l’ensemble comme totalité de parties, une forte stricture peut donner lieu à « plus » de plaisir et de douleur que, dans un autre « ensemble » […]. La force de stricture, la capacité de se lier, reste en rapport avec ce qu’il y a à lier (ce qui donne et se donne à lier), la puissance liant le liant au liable. […] Si ce mot (l’ensemble) doit renvoyer à une « unité » qui n’est rigoureusement ni celle du sujet, ni celle de la conscience, de l’inconscient, de la personne, de l’âme et/ou du corps, du socius ou d’un « système » en général, il faut bien que l’ensemble en tant que tel se lie à lui-même pour se constituer comme tel. Tout être-ensemble, même si sa modalité ne se limite à aucune de celles que nous venons de mettre en série, commence par se-lier, par un se-lier dans un rapport différantiel à soi. Il s’envoie et se poste ainsi. Il se destine. […].Il y aurait, liée à la stricture et par elle, une valeur de maîtrise qui ne serait ni de la vie ni de la mort. […]
[…] On peut alors envisager un privilège quasi transcendantal de cette pulsion de maîtrise, pulsion de puissance ou pulsion d’emprise. […] La pulsion d’emprise doit être aussi le rapport à soi de la pulsion : pas de pulsion qui ne soit poussée à se lier à soi et à s’assurer la maîtrise de soi comme pulsion. […] C’est la pulsion comme pulsion, la pulsion de pulsion, la pulsionnalité de la pulsion. » P 428, 429, 430 Spéculer sur Freud dans La carte postale, J. Derrida

- Ce qui répondrait au post précédent sur les risques de durcissement des codes et la difficulté de se contenter d’une reformulation du désir en terme d’agencements pour fluidifier le « socius » par des flux, des coupures et des codes évolutifs, et sachant que la question du pouvoir ne tient pas seulement au fait de se débarrasser des codes « transcendants », mais qu’elle nécessiterait peut-être une stratégie plus complexe.

- les machines désirantes ne sont pas des machines qui seraient désirantes, elles sont le nom que D et G donnent au désir : les machines désirantes sont le désir lui-même, le désir étant en lui-même machinique dans le sens que D&G donnent à ce terme : relations et production ; les machines n’ont donc pas à chercher en dehors d’elles mêmes un principe qui les conduirait à produire des relations et donc des effets nouveaux : les machines désirantes définissent la production de nouvelles relations et de nouveaux effets ; les machines désirantes sont le nom que D&G donnent à ce processus de mise en relation/production d’effets : elles sont un processus càd un mouvement ; j’ai regardé un peu les posts précédents et il me semble que ce qui manque à leur contenu c’est cette compréhension du mouvement chez Deleuze : il ne parle pas d’objets mais de mouvements : le CSO par exemple n’est pas un objet distinct du corps, il désigne la limite d’un mouvement par lequel l’organisme constitué est perturbé (pour aller vite) : ils le disent dans L’anti-Oedipe : le CSO est une limite, on ne l’atteint jamais, c’est la limite vers laquelle tend un mouvement de désorganisation de l’organisme, donc le CSO n’a de sens qu’à l’intérieur d’une relation par laquelle le corps est défait, le CSO n’étant qu’une limite vers laquelle tend le corps de par cette relation ; si l’on oublie cette dimension du mouvement et de la relation chez Deleuze et dans son travail avec Guattari on fait comme Badiou, on passe à côté et on se met à poser aux textes des questions auxquelles il ne peut pas répondre et pour lesquelles alors on va chercher des réponses qui n’ont pas grand sens ; sinon puisque tu cherches un peu les sources de tout ça tu as lu le Foucault Naissance de biopolitique? il parle à un moment du rapport flux/machine en référence à un auteur néolibéral américain?

- merci pour ces éclaircissements, mais je reste un peu embarrassé d’autant plus que ce qui me paraît problématique dans les machines désirantes chez D&G serait également de l’ordre d’un mouvement qui n’aurait pas été saisi (l’ex-appropriation), d’où quand tu parles de mouvement raté, je trouve ça d’autant plus intéressant et ironique. Voici un autre extrait de Derrida (désolé) qui définirait le désir ou les machines désirantes par ce mouvement d’auto-télie : « Par-delà toutes les oppositions, sans identification ou synthèse possible, il s’agit bien d’une économie de la mort, d’une loi du propre (oikos, oikonomia) qui gouverne le détour et cherche inlassablement l’événement propre, sa propre propriation (Ereignis) plutôt que la vie et la mort, la vie ou la mort. L’allongement ou l’abrègement du détour seraient au service de cette loi proprement économique ou écologique du soi-même comme propre, de l’auto-affection auto-mobile du fort : da [...] Les mesures d’allongement ou d’abrègement n’ont aucune signification « objective », elles n’appartiennent pas au temps objectif. Elles n’ont de valeur qu’au regard du soi-même qui s’apostrophe et s’appelle comme un autre dans l’auto-affection. Il faut avant tout s’auto-affecter de sa propre mort (et le soi-même n’existe pas avant tout, avant ce mouvement d’auto-affection), faire que la mort soit l’auto-affection de la vie ou la vie l’auto-affection de la mort. Toute la différence se loge dans le désir (le désir n’est que cela) de cette auto-télie. Elle s’auto-délègue et n’arrive qu’à se différer elle-même en (son) tout-autre, en un tout-autre qui devrait n’être plus le sien. Plus de nom propre, pas de nom propre qui ne s’appelle ou n’en appelle à cette loi de l’oikos. Dans la garde du propre, au-delà de l’opposition vie/mort, son privilège est aussi sa vulnérabilité, on peut même dire son impropriété essentielle, l’exappropriation (Enteignis) qui le constitue. Il sert d’autant mieux la « propriation » qu’il n’est propre à personne et n’appartient surtout pas à son « porteur ». Ni à son « facteur ».  p382 spéculer sur freud. Ca m’intéresse si tu as les références précises pour Foucault, je n’ai pas lu ce livre. Et pour Badiou, je n’y connais rien et j’espère ne pas tomber dans ses travers…

- pour foucault c’est dans la leçon du 14 mars 79 et le penseur c’est l’économiste t.w. schultz

- Merci, je vais aller voir. Sinon, je suis arrivé à cette piste de la pulsion de pouvoir par la voie de la bêtise (qui m’a conduit donc à « spéculer sur Freud » où Derrida en parle via « au delà du principe de plaisir », que j’essaye de relire dans le commentaire de Deleuze également) :http://antioedipe.unblog.fr/…/derrida-et-deleuze-faire…/ Derrida et Deleuze, faire la différence. Ou quand une déconstruction déconstruit l’autre (1/3)

- la leçon du 14 mars 1979 de Foucault est là http://www.booston.fr/…/michel-foucault-naissance-de-la… Michel Foucault – Naissance de la biopolitique – Leçon du 14 mars 1979 (deuxième moitié) -…

——————————————-fragment ————————————–

Penser en terme d’agencement, est-ce éviter le risque de rabattement sur des codes ?

- Le concept d’agencement a-t-il permis de dépasser la notion de « code » tel que proposé dans le post précédent à l’appui des textes cites en commentaires ? Il semble surgir plusieurs difficultés. D’une part, Deleuze et Guattari s’ils ont construit ce concept, les agencements ne les auraient pas attendus pour être le mode de construction du désir, et produire néanmoins des codes. Savoir qu’un agencement est un « agencement » et qu’il n’y a pas de codes transcendants modifie-t-il ce rapport aux codes ? Peut-être… Deuxième point. Le régime des codes serait différent de celui des neo-codes oedipiens. Or, pour les codes, il n’est plus possible de revenir à ce régime puisqu’ils seraient deterritorialisés et sans assise, et pour les neo-codes, ils agiraient eux-mêmes comme des codes qu’il « faudrait dépasser » en pensant en termes d’agencements qui s’appuieraient eux-mêmes sur ces codes (ou neo-codes ?), même s’ils deviendraient « évolutifs », et non plus transcendants. Et quels seraient ces nouveaux codes, des codes produits par des usages, qui marqueraient les sujets, mais auxquels ils ne croiraient pas de la même façon qu’on a pu croire aux codes « antérieurs » ? Malgré le nouveau régime décrit précédemment, n’y aurait-il pas un risque perpétuel de rabattement sur des codes durcis qui se recombineraient autrement (confirmé par xyz ?) tant qu’il n’y aurait pas un autre type de déplacement ? Ne manquerait-il pas à cette stratégie de l’agencement un ou plusieurs autres éléments pour devenir effective, étant donne que jusqu’a présent et malgré le succès de l’anti-oedipe, elle ne semble pas avoir pris la relève des « codes » ?

- La philosophie deleuzienne est devenue elle-même une doxa. Prôner les machines désirantes, évoquer vaguement la ritournelle, et faire la morale de la ligne de fuite sont devenus des clichés, des codes… A mon sens, pour l’instant, ce n’est pas seulement l’Anti-Oedipe qui constitue un échec. C’est le deleuzisme en général.

- Peut-on exclure toute une pensee en disant que c est un echec ? Comprendre pourquoi ces questions nous convoqueraient encore, et ce qui serait toujours a la pointe d une reformulation de nos univers en decomposition et/ ou ce qui ne marche pas, n a pas ete pense, et ce que ca peut reveler et ouvrir comme strategie nouvelle… Et si on repart simplement de ce qu ils ont tente d elaborer, ca permet de se confronter comme eux aux problemes qui les hantaient, et 30 a 40 ans plus tard, de mettre en rapport avec d autres pensees, de voir ce qui a ete produit, comment ca a modifie le paysage et comment ca n a pas eu d effets dans d autres champs

——————————————-fragment ————————————–

Les collectifs combattent-ils pour leur servitude comme s’il s’agissait de leur salut ?

http://www.inter-seminaire.org/interventions/le-collectif-entre-psychanalyse-et-politique/ Le collectif entre psychanalyse et politique | inter-séminaire.org Le collectif entre psychanalyse et politique Bienvenue à cette table ronde, où nous aurons trois intervenants, Frédéric Rambeau et Sophie Gosselin et David gé Bartoli. Nous voudrons simplement commencer par introduire le thème. Pourquoi avons nous choisi de loger le collectif entre ces deux… INTER-SEMINAIRE.ORG

- Si l’on monte autrement les citations de ce texte, on pourrait mettre en vis-à-vis 1) » C’est aussi les collectifs qui ont soif de l’obéissance, qui « combattent pour leur servitude comme s’il s’agissait de leur salut. » Deleuze, G. et Guattari, F., L’Anti-Œdipe, p. 37. Et 2) « Il y a donc une implication mutuelle entre l’individu et le social : il ne peut y avoir des individus que par l’identification à une personne, ou une idée, un idéal, extérieure. Ce rapport implique une autre sorte de problématique, celui de l’implication de l’individu à sa propre soumission sociale. Comme le dit Etienne Balibar : « alors que le rapport à l’[idéal] « extérieur » constitue les sujets comme tels, ou comme autant de « moi » attachés à leur idéal, la « place » de l’[idéal] elle-même n’est pourtant rien d’autre que l’effet du désir commun des sujets, qui sont ainsi à l’origine de ce qui les assujettit. » Balibar, E., Citoyen Sujet, p. 392

- Ce qui amènerait à 3) La question de la pulsion de pouvoir qui répond à la question de D&G, où derrière la servitude, il y a l’idéal ou l’effet du désir commun des sujets, où une part d »‘eux-mêmes » (majoritaire ?) renvoie comme une boucle rétroactive à une « unité supérieure » qui les attache à cette part d’eux-mêmes (et aux-autres) dans un rapport qui ne serait pas uniquement d’assujettisement, mais également un désir « actif »qui renforcerait cette « unité partagée » et part d’eux-même, en intensifiant le lien entre eux par un effet retour perpétuel qui fonctionnerait à partir de ces coordonnées (re)liantes.

- et 4) voici la réponse de Deleuze lui-même : « le désir ne fait qu’un avec un agencement déterminé, un co-fonctionnement. Bien sûr un agencement de désir comportera des dispositifs de pouvoir (par exemple les pouvoirs féodaux), mais il faudra les situer parmi les différentes composantes de l’agencement. Suivant un premier axe, on peut distinguer dans les agencements de désir les états de choses et les énonciations (ce qui serait conforme à la distinction des deux types de formations ou de multiplicités selon Michel). Suivant un autre axe, on distinguerait les territorialités ou re-territoralisations, et les mouvements de déterritorialisation qui entraînent un agencement (par exemple tous les mouvements de déterritorialisation qui entraînent l’Église, la chevalerie, les paysans). Les dispositifs de pouvoir surgiraient partout où s’opèrent des re-territorialisations, même abstraites. Les dispositifs de pouvoir seraient donc une composante des agencements. Mais les agencements comporteraient aussi des pointes de déterritorialisation. Bref, ce ne serait pas les dispositifs de pouvoir qui agenceraient, ni qui seraient constituants, mais les agencements de désir qui essaimeraient des formations de pouvoir suivant une de leurs dimensions. Ce qui me permettrait de répondre à la question, nécessaire pour moi, pas nécessaire pour Michel : comment le pouvoir peut-il être désiré ? »http://1libertaire.free.fr/DeleuzeFoucault02.html Désir et plaisir par Gilles Deleuze Ce texte est une lettre de Deleuze à Michel Foucault, datant de 1977

——————————————-fragment ————————————–

Deleuze / Foucault :  désir ou plaisir ? Lignes de fuite ou dispositifs de pouvoir ? Et au delà de l’opposition (et du principe de plaisir),  s’il fallait voir du côté de la pulsion de pouvoir chez Derrida ?

- « Les agencements de désir n’ont rien à voir avec de la répression. Mais évidemment, pour les dispositifs de pouvoir, je n’ai pas la fermeté de Michel, je tombe dans le vague, vu le statut ambigu qu’ils ont pour moi : dans S. et P. , Michel dit qu’ils normalisent et disciplinent ; je dirais qu’ils codent et reterritorialisent (je suppose que, là aussi, il y a là autre chose qu’une distinction de mots). Mais vu mon primat du désir sur le pouvoir, ou le caractère secondaire que prennent pour moi les dispositifs de pouvoir, leurs opérations gardent un effet répressif, puisqu’ils écrasent non pas le désir comme donnée naturelle, mais les pointes des agencements de désir. Je prends une des thèses les plus belles de V.S. : le dispositif de sexualité rabat la sexualité sur le sexe (sur la différence des sexes… etc. ; et la psychanalyse est en plein dans le coup de ce rabattement). J’y vois un effet de répression, précisément à la frontière du micro et du macro : la sexualité, comme agencement de désir historiquement variable et déterminable, avec ses pointes de déterritorialisation, de flux et de combinaisons, va être rabattu sur une instance molaire, « le sexe », et même si les procédés de ce rabattement ne sont pas répressifs, l’effet (non-idéologique) est répressif, pour autant que les agencements sont cassés, pas seulement dans leurs potentialités, mais dans leur micro-réalité. Alors ils ne peuvent plus exister que comme fantasmes, qui les changent et les détournent complètement, ou comme choses honteuses… etc. »
http://1libertaire.free.fr/DeleuzeFoucault02.html

- Ce texte (http://1libertaire.free.fr/DeleuzeFoucault02.html) intervient à une période où une forme d’opposition semble surgir entre Deleuze et Foucault (plaisir contre désir ?) où Foucault suivrait les nouveaux philosophes (position contre les pensées « marxistes othodoxes » qui sévissent à l’époque) et interrogerait le « désir » de révolution. Y aurait-il une critique des pensées qui croiraient à une révolution qui libère et au fait que le désir serait réprimé ? Alors que pour Foucault, il n’y aurait que des dispositifs de pouvoir contre lesquels on résisterait par des modes de subjectivation alternatifs. Tandis que Deleuze hait le pouvoir qui écrête les lignes de fuite du désir par de la reterritorialisation qui crée du code pétrifié (pléonasme ? un code ne serait-il pas par définition une répétition à l’ »identique » ?), etc, mais j’ai l’impression que les 2 ont rencontré une limite :
- du côté du désir où les codes ne seraient plus qu’ « évolutifs »,  comment expliquer la difficulté d’apparition de ce nouveau régime, que des archaïsmes resurgissent, de même qu’on peut s’interroger sur la possibilité qu’un agencement « pensé en terme d’agencement » (donc par l’effet performatif d’être pensé comme tel) n’évite pas « forcément » de créer des codes (ce que font déjà les agencements « tout court », explique Deleuze) avec de la possibilité de durcissement, et malgré la « volonté » de les rendre plus fluides (la volonté du mouvement crée-t-elle le mouvement ?) ? On peut également ajouter que les discours sur les flux, la fluidification qui « déracinent » les vieilles coordonnées sont aussi ceux du capitalisme, tel que l’énoncent d’ailleurs D&G dans l’Anti-Oedipe pour parler de son mouvement de déterritorialisation. S’agirait-il de faire une course en suivant des lignes de fuite toujours plus folles pour faire sauter son axiomatique reterritorialisante (en Oedipe ou en neo-codes etc) ?

- du côté des dispositifs de pouvoirs, on assiste à une pensée qui ne met plus tant en cause ces dispositifs de façon fondamentale,  mais en parle en terme de vérité du pouvoir (en fait de fiction, mais fiction nécessaire ?) car de toute façon il y aurait du pouvoir indépassable, il faudrait juste trouver des modes de subjectivations alternatifs (3ème période foucaldienne), et des formes de résistance où on opposera le « pouvoir de la vérité » à la vérité du pouvoir (le séminaire ‘le courage de la vérité » par exemple ?) ?

- c’est là où Derrida par la pulsion de pouvoir dépasserait cette opposition plaisir/ désir (c’est tout l’objet d’ »Au-delà du principe de plaisir » interprété par Derrida dans « Spéculer sur Freud » – mais aussi Deleuze ? – de sortir de cette opposition) pour sortir de discours qui comportent encore des oppositions dialectiques et pour proposer plutôt de nouveaux partages de souveraineté, voire penser en dehors de la souveraineté (dont Foucault se serait débarrassé un peu vite…) et d’introduire la question de l’inconscient dans l’ordre politico-juridique (qui prendrait en compte cette pulsion de pouvoir), ce qui n’est jamais pensé malgré la place de la psychanalyse dans la société contemporaine (autre sujet pour plus tard…). On baignerait encore dans la métaphysique de la présence quelle que soit la radicalité de toutes ces autres pensées, et quand bien même elles feraient appel à l’inconscient…

- « Mais vu mon primat du désir sur le pouvoir, ou le caractère secondaire que prennent pour moi les dispositifs de pouvoir, leurs opérations gardent un effet répressif, puisqu’ils écrasent non pas le désir comme donnée naturelle, mais les pointes des agencements de désir.  » dit Deleuze. Deleuze précise qu’il ne rentre pas dans la catégorie critiquée par Foucault de ceux qui penseraient qu’un désir comme donnée naturelle serait réprimé. Néanmoins, il prend parti contre la répression des dispositifs de pouvoirs qui écrêtent les pointes d’agencements du désir, c’est-à-dire un désir agencé, pris dans une configuration complexe qui n’aurait rien à voir avec une naturalité à laquelle pourrait encore croire des révolutionnaires un peu trop naïfs. Cependant, si l’on tente une traduction du concept deleuzien de désir dans la langue de Freud relu par Derrida (Spéculer sur Freud), la pulsion de pouvoir et le plaisir entremêlés constitueraient ce désir dans un mouvement d’aller-retour permanent, de retour à soi. Ce qui primerait, comme le dit Derrida, serait la pulsion de pouvoir, pouvoir, mais non pas au sens de Foucault pour lequel le pouvoir équivaudrait à un dispositif avec des « codes » (traduction impropre en termes foucaldiens, certes…) qu’il s’agirait d’incorporer (et auquel on résisterait) avec tous les jeux de jouissance associés (ce qui relèverait du principe de plaisir freudien ?). Cette pulsion de pouvoir générerait non seulement ces dispositifs (dans le sens où Deleuze dit que le désir se reterritorialise en codes), mais elle leur serait également préalable, agissant en tant que désir liant avec effet de maîtrise, avant même l’émergence de codes et sans qu’on ne puisse faire de séparation claire ou pure entre deux étapes. Cette même pulsion pourrait de la même façon défaire ces dispositifs. Donc il s’agirait d’un désir qui serait « primaire » par rapport à sa (RE)-territorialisation en code de pouvoir, comme le dirait Deleuze, mais dès le départ le mouvement de (RE)-tour accompagnerait cette « pulsion de pouvoir » qui cherche à (RE)-lier l’énergie déliée et qui « se » (RE)-lie. Aussi la répression dont parle Deleuze, lorsque le désir se reterritorialise en code n’est que le jeu de l’économie libidinale, on ne pourrait donner une positivité au seul désir contre des dispositifs de pouvoir qui écrêteraient les pointes des agencements de désir, il s’agit d’un seul et même processus sans qu’on ne puisse prendre partie pour l’intensité des poussées libidinales contre leur durcissement sous forme de codes, d’autant plus que le « désir » peut épouser également les dispositifs de pouvoir, c’est le jeu du supplément où il se met tant à leur service, qu’il peut les démonter, le désir ne serait pas uniquement dans les pointes des agencements et ne s’opposerait pas aux dispositifs de pouvoir qui l’auraient « capturé » et « neutralisé » par reterritorialisation, au risque sinon de retomber dans un piège dialectique au nom d’une « vie plus intense » (et qui nécessite peut-être une autre stratégie).

- Pour éclairer cette problématique, citons Derrida à propos de Freud et de « Au delà du principe de plaisir » (Spéculer sur Freud p 427) : « S’il assure la maîtrise, le principe du plaisir doit donc d’abord le faire sur le plaisir et aux dépens du plaisir. Il devient ainsi le prince du plaisir, le prince dont le plaisir est le sujet asujetti, enchaîné, lié, resserré, fatigué. Le jeu se joue nécessairement sur deux tableaux. Le plaisir y perd dans la mesure même : où il fait triompher son principe. Il perd à tous les coups, il gagne à tous les coups dans la mesure où il est là avant d’être là, dès qu’il se prépare à sa présence, où il est encore là quand il se réserve pour se produire, envahissant tout au-delà de lui-même.  Il perd à tous les coups, il gagne à tous les coups dans la mesure : son intensité déchaînée le détruirait aussitôt s’il ne se soumettait pas à la stricture modératrice, à la mesure même. Menace de mort : plus de principe de plaisir donc plus de différance modifiante en principe de réalité. Ce qu’on appelle réalité n’est rien en dehors de cette loi de la différance. Elle en est un effet. La stricture produit le plaisir en le liant. Elle joue entre deux infinis, pariant et spéculant sur la plus-value que lui vaudra la restriction. De cette spéculation, le principe de plaisir, le maître, n’en est pas le maître, le sujet ou l’auteur. Il est seulement le chargé de mission, l’émissaire, un facteur, on dirait presque un courtier. Plaisir, le grand spéculateur, calcule avec les effets de stricture aphrodisiaque. Liant ou se laissant lier, il donne lieu, il fait place à la maîtrise du PP, il le laisse régler la circulation à son poste, limitant les quantités de plaisir et ne les laissant croître que dans la seule mesure possible. Le quasi-nom propre, c’est l’X qui spécule sans identité, c’est l’X (cette excitation inconnue dont Freud disait qu’on n’en connaissait rien par définition et qu’il convenait de désigner algébriquement)qui calcule et met en place le propre piège de sa relève. Ca se limite pour s’accroître. Mais si ça se limite, ça ne s’accroît pas. Si ça se limite absolument, ça disparaît. Inversement, si l’on peut dire, si ça libère quelque chose qui soit aussi proche que possible du processus primaire (fiction théorique), si donc ça ne se limite pas, pas du tout, ça se limite absolument : décharge absolue, débandade, néant ou mort. « 

- A noter que le concept de désir de l’Anti-Œdipe s’inspire également du principe de plaisir. Mais dans la lecture par Deleuze de « Au-delà du principe de plaisir » dans Différence et répétition (p 101 et s. ; p 128 et s.) - avec ses descriptions des synthèses passives, actives, de l’habitus, de la contemplation, etc – si on peut lire que Deleuze décrit bien un processus de retour à soi, sorte de narcissisme de la multitude des « petits »mois » qui s’intègrent ensemble, il semble distinguer entre des synthèses passives et actives, entre le virtuel et le réel. Or, et bien qu’il s’opérerait des échanges continuels entre eux, par cette distinction, Deleuze reconduirait une sorte d’opposition qu’on retrouverait dans sa prise de position pour les flux du désir (du côté du virtuel ?) contre les dispositifs de pouvoir (les codes et le réel ?)… Or, s’agirait-il de prendre position de la sorte ?

- A comparer avec le passage de Spéculer sur Freud de Derrida (p 373), où Derrida s’il évoque deux répétitions, c’est pour dire qu’elles ne pourraient pas se distinguer, car une répétition répète l’autre, et ça serait toute la différance : « L’obscurité, celle que Freud ne donne pas à remarquer, tient au fait qu’avant la maîtrise instituée du PP (Principe de Plaisir) il y a déjà une tendance à la liaison, une poussée maîtrisante ou stricturante qui annonce le PP sans se confondre avec lui. Elle collabore avec lui sans en être. Une zone médiane, différante ou indifférente (et elle ne peut être différante qu’en étant indifférente à la différence oppositionnelle ou distinctive des deux bords), rapporte le processus primaire dans sa « pureté » (un « mythe » dit la Traumdeutung) au processus secondaire « pur », tout entier soumis au PP. Une zone (celle du désir pour Deleuze dans le cas présent)autrement dit une ceinture entre le pp (processus primaire) et le PR (Principe de Réalité), ni serrée ni desserrée absolument, toute en différance de stricture. [...] L’indécision apparente de cette ceinture ou de ce lacet détaché, voilà le concept de répétition qui agit tout ce texte. Tel concept, la conceptualité ou la forme conceptuelle de ce concept a l’allure de ce lacet à stricture différantielle. Plus ou moins serré, il passe comme un lacet des deux côtés de l’objet, ici de la répétition. Mais il n’y a jamais la répétition. Tantôt la répétition, classiquement, répète quelque chose qui la précède (du côté du pouvoir dans le cas présent)…  [...] Mais tantôt, selon une logique autre et non classique de la répétition, celle-ci est « originaire » et induit, par propagation illimitée de soi, une déconstruction générale [...] Tantôt, par conséquent la répétition collabore à la maîtrise du PP, tantôt, plus vieille que lui, et se laissant même répéter par lui, elle le hante, le mine, le menace, le persécute en cherchant un plaisir délié qui ressemble, comme une bulle à une autre, à un déplaisir dans son atrocité même. [...] Mais il n’y a pas de « tantôt… tantôt… ». Comme dans l’épilogue ou l’arrière-boutique de La pharmacie de Platon, « un répétition répète l’autre « , et c’est toute la différance. »

- De plus, on peut ajouter ce commentaire concernant cet extrait de Deleuze : « Mais, pour aller vite, les dispositifs de pouvoir ne se contentent plus d’être normalisants, ils tendent à être constituants (de la sexualité). Ils ne se contentent plus de former des savoirs, ils sont constitutifs de vérité (vérité du pouvoir). Ils ne se réfèrent plus à des « catégories » malgré tout négatives (folie, délinquance comme objet d’enfermement), mais à une catégorie dite positive (sexualité). [...] A cet égard, je crois donc à une nouvelle avancée de l’analyse dans VS. Le danger est : est-ce que Michel revient à un analogue de « sujet constituant », et pourquoi éprouve-t-il le besoin de ressusciter la vérité, même s’il en fait un nouveau concept ? » dit Deleuze. >>> Ce qui reboucle avec la question posée précédemment où l’on tentait de mettre en lien les « codes » transcendantaux ou contingents (évolutifs) et la question de la croyance, comment croire au monde ? Le retour de la notion de vérité (même sous une forme fictionnelle ou xyz) vient recroiser la question des codes, de la fable du pouvoir à laquelle il y aurait un rapport, sinon à la croyance, au moins à la vérité, au vrai… S’il y a une vérité du pouvoir, alors les codes qu’ils soient transcendants ou contingents (évolutifs ?) fonctionneraient de la même manière, se durciraient et créeraient du rabattement au sens où l’entend Deleuze.

Episode suivant : Pulsion de pouvoir, la question de la psychanalyse dans l’ordre juridico-politique – Fragments – Groupe Facebook 02/08 au 14/08/2014 / 

Laisser un commentaire