Dans le cadre des Mardis de Chimères (19 février 2008)
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Pour la première partie
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0’10 / « Peut-on parler de schizoanalyse et politique ? » JCP décline l’offre pour repartir de la clinique. Retour sur l’opposition irrémédiable entre psychanalyse et schizoanalyse. Le dernier Lacan des nœuds borroméens et le rhizome seraient inconciliables.
7’ 44 / Lacan se dégage de la contrainte oedipienne en la déplaçant sur une autre triade (réel, imaginaire, symbolique). Très visible également chez Mélanie Klein qui trouve les objets partiels, mais rabat sur des interprétations névrotiques oedipiennes.
11’04 / Guattari et la réflexion sur la chaosmose et les machines allopoeïtiques et autopoeïtiques (la propriété d’un système à se produire lui-même, à se maintenir et à se définir lui-même) comme refus de la structure.
14’28 / La schizoanalyse se voudrait une pragmatique des modèles machiniques qui président à l’énonciation. Comment on pense ? Comment on est affecté, comment on parle, comment on imagine ? Elle s’intéresse au conscient autant qu’à l’inconscient contrairement à la psychanalyse. Pas de refus de penser avec les cognitivistes et les neurosciences.
17’30 / Question de Max Dorra : Peut-on dire les meta-modèles sont des machines outils ? JCP : pourquoi pas, car ça rejoindrait un monde spinozien. Stéphane Nadaud : comment un modèle pourrait saisir des éléments pragmatiques de la réalité sans les rabattre sur lui-même en tant que modèle ? D’où l’idée d’un modèle comme outil plutôt que comme direction de pensée.
21’56 / Même Freud avait compris qu’on pouvait diviser l’inconscient en au moins deux parties. La partie refoulée, enfouie, et l’inconscient absolu, originel où le chaos est rejeté. Cette opposition, Guattari la retrouve plus tard avec l’inconscient pathique. Ce sont plutôt certains savants et artistes qui arrivent à s’en approcher.
27’30 / Guattari s’appuie sur Stern, analyste et éthologue des nourrissons. Le nourrisson est riche de modalités de perceptions : espaces, rythmes, intensités, différences… Les protocoles permettent de montrer une capacité de discrimination sensorielle. Le soi émergent (4mois) : expérience pathique du monde intérieur et extérieur. Exemple des tétines : une forme ressentie dans la bouche correspond immédiatement à une forme vue. Le soi corporel : composer quelque chose de l’ordre du schéma corporel. Donc il existe de véritables strates d’inconscient… Le soi affectif et l’accordage : processus machinique où il apparaît que le nourrisson a de moins en moins d’autopoeïs, et doit composer dans des dualités et des groupes. La séparation de la mère… La dénonciation de l’emprise de la linguistique sur l’inconscient. Deleuze, Lacan, Différences et répétitions.
39’22 / Question de Matthieu Bellahsen : l’articulation aujourd’hui de ces deux formes d’inconscient et le retour au réel. JCP : le traitement de la psychose pose le problème d’un décalage théorique et méthodique avec la névrose. La parole n’est pas une assise suffisante pour aller y voir du côté de l’inconscient originel. Différentes formes de psychoses. Pensée du collectif, d’un agencement de moyens avec des strates, des sémiotiques de toutes natures. Exemple à Laborde : la cuisine, c’est un collectif. Un lieu qui propose une multitude d’agencements plutôt que le seul entretien dans le bureau du psy.
49’41 / Tosquelles. Hôpital de Reus. Le recrutement des putains de Valence comme infirmières pour s’occuper des malades. Les bordels en unités de soin.
53’56 / Décentrement clinique de la psychothérapie institutionnelle. Partir de la folie elle-même. Leitmotiv : psychotiser les névrosés. Détecter la part de productivité imaginaire qui résiste au quadrillage du langage. Gisela Pankow, avec la structuration dynamique de l’image du corps, faisait un travail préalable à l’analyse : que le malade fabrique un monstre (pâte à modeler) chargé de représenter la relation fantasmatique du patient avec elle. Son but était de construire ou réparer une géographie, un espace dans lequel les strates désarticulées du corps s’agencent pour former un tout. C’est alors qu’une histoire devient possible ! Mais avant tout, il faut trouver quelque chose de plus vrai derrière la névrose ou la perversion : le noyau psychotique, c’est-à-dire le fondement sur lequel s’appuyer.
59’26 / Si le fond psychotique est accueilli dans de mauvaises conditions. Exemple du film de Sandrine Bonnaire sur sa sœur, Sabine. Elle sort de la période hospitalière en catatonie…
1h05’20 / Florent Gabarron : Lacan traite de la psychose. Il y a un travail, une production et des lacaniens en hôpital psy. Ils névrotisent la psychose pour dégonfler le délire. Ca existe, et ils ont des concepts pour travailler ! JCP : tous les ouvrages des lacaniens sur la psychose portaient sur l’entrée dans la psychose, aucun ne décrivait une cure. Exception : Green qui n’est pas lacanien. Benedetti, Pankow, eux, parlent de la manière de s’occuper de la psychose.
1h16’46 / Anne Querrien : pour la thérapie institutionnelle, ce qui fait la différence, c’est que la psychose, ce n’est pas l’individu, mais la relation entre le milieu et l’individu. Accroche avec Mony Elkaïm. Le milieu familial est psychotique. Ce départ est fondamental. Dans Lacan, au contraire, la psychose vient de l’individu.
1h18’20 / Stéphane Nadaud : sur la schizoanalyse, il y a plusieurs façon de conceptualiser le problème qui se rejoignent et que, si on ne les détermine pas à l’avance, risquent de nous rendre fous. Sur la psychose, ce n’est pas la même chose d’utiliser le modèle de la psychose, d’utiliser la psychose comme modèle, et d’utiliser un modèle pour traiter des psychotiques. Prendre la psychose comme modèle te permet de traiter des névrosés. Le reproche aux lacaniens : le côté école, visiblement, il y a un programme. Un lacanien peut répondre à quoi sert une psychanalyse. La schizoanalyse travaille avec la question des programmes sans être un programme. Et ce qui fait la différence entre schizoanalyse et psychothérapie institutionnelle, c’est la question du modèle, notamment la question de la psychose comme modèle.
Max Dorra : Tu peux l’expliquer, ça ?
S. Nadaud : Je vais passer par la question du transfert, assez psychothérapie institutionnelle, et assez peu schizoanalytique.
A. Querrien : à l’époque, pour le peu de séances qu’on a fait de schizoanalyse dans les locaux du Cerfi, il y a eu transfert massif. On l’a reçu en pleine gueule !
JCP : il ne faut pas aller trop vite : réfléchir à ce que veut dire l’inconscient pour Guattari.
YY : moi, je rajouterais une question. Est-ce que la psychose comme modèle peut être rapprochée de la schizophrénie comme processus (L’anti-Oedipe) ?
S. Nadaud : ben voilà. Retour sur le transfert. Ce que pointe la psychothérapie institutionnelle, c’est la névrose, quand bien même, le malade est psychotique.
1h27’12/ JCP : attention, il y a plusieurs façon de faire de psychothérapie institutionnelle. A Laborde, on est d’abord tous lacaniens puis rupture entre Oury (lacanien) et Guattari. Les rôles d’Oury et Guattari, sorte de DRH, à Laborde. Guattari a changé le corpus : les groupes sujets/ les groupes asujettis, Sartre, Foucault… La psychothérapie institutionnelle est un ensemble extrêmement hétérogène.
YY : il y a plusieurs façon de concevoir le transfert. Un chat sur un radiateur.
JCP : Guattari est l’ennemi radical du transfert.
S. Nadaud : quel transfert, les modalités transférentielles. Pour penser la psychose comme modèle, il y a eu un saut théorique : les termes de transfert dissocié, etc. Des pistes qui renvoient à la schizoanalyse.
A. Querrien : les cartographies schizoanalytiques et le transfert.
JCP : Laborde. Les UTB, Unités Thérapeutiques de Base (1 médecin, 1 ou 2 moniteurs et quelques patients), le Club. Expérimentation libertaire. Comment répartir le pouvoir pour soigner la psychose. Oury : un malade a dit : les UTB, c’est pire que la famille !
1h48’46 / S. Nadaud : si l’on oppose psychanalyse et schizoanalyse, on se plante. On mettrait du côte de la psychanalyse un raffinement de plus en plus théorique du transfert chez les lacaniens pour arriver à un concept idéalisé de l’outil, tandis que la schizoanalyse refuserait de raffiner les outils. On irait tirer la psychanalyse du côté de la reterritorialisation paranoïaque, tandis qu’on tirerait la schizoanalyse du côté de la déterritorialisation. Ca serait une erreur. Or la force de l’Anti-Oedipe, c’est de penser la schizoanalyse comme la modalité où les deterritorialisations et reterritorialisations se jouent de façon agonale. D’où Guattari ne lâche pas la psychanalyse.
A. Querrien : le truc de base de la psychanalyse, c’est l’interprétation quand même !
S. Nadaud : la schizoanalyse, c’est de proposer une nouvelle modalité interprétative !
JCP/ A. Querrien : Ah non ! Guattari n’interprétait jamais. Il disait : « ça ne vous intéresserait pas d’aller planter des choux avec le jardinier ? »
YY : le terme de M. Dorra machine-outil est intéressant, car une analyse machinique secrète à chaque fois des outils différents.
M. Dorra : Vous ne parlez jamais du contre-transfert.
S. Nadaud : je reviens sur le sujet : comment penser des modalités d’interprétation, mais non pas de façon signifiante. Comment un signe va renvoyer à un autre signe ? Il s’agit toujours de penser des rapports entre des signes. La schizoanalyse se saisit d’une modalité d’interprétation asignifiante.
JCP : encore un effort pour être schizoanalyste, il faut réussir à travailler sans sémiotique.
E. Jabre : Deleuze Guattari disent : « n’interprétez jamais, expérimentez ! »
JCP : voilà ! La prochaine fois, on parle de ça, la différenciation entre expérimenter et interpréter.
M. Dorra : la question des neuroleptiques.
Se définir, c’est se bâtir une prison
6 avril 2008Extraits de Raoul Vaneigem : « Se définir, c’est se bâtir une prison. Mes sympathies et mes antipathies ne me circonscrivent pas, elles éclairent les fluctuations de ma ligne de vie. », « La maladie a des milliers de noms. La santé n’en possède aucun en propre. Elle est commune, sans spécificité. Sa seule distinction honorifique, c’est d’être, selon le propos de Jules Romains, une maladie qui s’ignore. », « Etre en quête de remèdes, c’est signer un pacte avec la maladie. Il n’y a pas de médecine du bien-être, il n’y a que les médications du malheur. La survie est une longue agonie pleine d’espérances thérapeutiques et lucratives… »
« La science médicale examine les symptômes du patient sans se soucier de leur genèse existentielle. Elle ignore la part de complaisance et de refus qui engendre et entretient la maladie. Il en va de la médecine comme de l’enseignement de masse. Le culte de l’efficacité les jette dans l’ignorance et le mépris des cheminements individuels. Les discordances psychosomatiques, le langage du corps, la traversée du chaos émotionnel, les relations secrètes du mental et du physique, les analogies qui président aux jeux électifs du bonheur et du malheur, les frontières incertaines de la plénitude et du désert composent un univers subtil où le médecin patauge avec des godillots d’équarrisseur. La morgue de l’esprit, régnant sur le corps, perpétue la croyance morbide en une matière charnelle, vouée à la souffrance plus qu’au plaisir. Il agit par abstraction, retrait, amputation, mutilation au lieu de procéder par ajout et par exubérance, en misant sur les charmes dont la vie excelle à se fortifier… »
« Les émotions sont une nuit que seul l’éclair du vécu illumine. Nous n’avons d’autre lumière qu’en l’intelligence sensible. Du haut de l’esprit, la raison apaise ou dompte nos humeurs sans les toucher vraiment. Elle les livre telles des dépouilles pantelantes au scalpel des biologistes, des psychologues et autres spécialistes de l’économie libidinale. Elle les fige dans une représentation qui leur ôte la vitalité en leur arrachant leurs excroissances morbides. Ainsi se perpétuent les heurts et les malheurs émotionnels. Comme si les expliquer dispensait de les restituer au mouvement de la vie, à la vitalité fondamentale qui s’en empare, aux impulsions fluctuantes d’un bonheur qui les amende ! »
« En dépit de leur extrême diversité et des appétences contrastées qu’elles suscitent, nos excrétions – haleine, morve, pensée, phéromone, rêve, geste, création, image, nouveau-né, musique, borborygmes, urine, excréments, œuvre d’art – réclament un traitement commun, une unité méthodique qui, de la méthanisation des déjections à la découverte et à la création de soi, relève le défi de reconvertir le vieux monde en harmonisant celui qui commence à naître. »
(proposé par Hervé Pache)
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